5 questions à Dr Margaux Serey-Gaut, généticienne-clinicienne.

5 questions à – La rédaction de Caractères s’est récemment plongée dans le sujet des tests ADN. Afin de réaliser le reportage que vous pouvez visionner sur notre site, nous avons rencontré Dr Margaux Serey-Gaut, médecin spécialisée en génétique médicale. Que ce soit pour une enquête policière, des recherches en paternité ou généalogiques, on entend beaucoup parler de l’ADN sans pour autant toujours bien comprendre ce que c’est, comment il fonctionne et quelles informations il peut donner sur notre identité. Nous publions ici l’intégralité de notre interview avec Dr Margaux Serey-Gaut qui répond à des nombreuses questions concernant l’ADN et le travail d’un généticien.

Interview.

Qu’est-ce que l’ADN ?

M.S-G. – L’ADN est une molécule qui contient toute notre information génétique (appelée également le génome). C’est un peu comme une très grande bibliothèque répartie en sections où dans chaque section on peut trouver plein de livres de recettes, et les cellules suivent ces recettes pour fonctionner correctement. C’est le support qui dit à notre corps comment fonctionner.

Les scientifiques connaissent la séquence du génome humain depuis une vingtaine d’années. Néanmoins, il y a encore une place pour la découverte. Par exemple, on arrive à identifier des gènes que l’on connaît déjà très bien, mais il y a des portions entre ces gènes qui sont totalement inconnues. Nous n’avons pas d’explication sur leurs rôles, nous ne savons pas comment elles peuvent aider le reste de la cellule ou le reste des gênes à s’exprimer ou à fonctionner.

Nous sommes à la 19e version du génome et ce n’est pas terminé, car à chaque fois qu’on arrive à séquencer des portions qui n’étaient pas accessibles, on enrichit la séquence de référence. 

En quoi consiste le travail de généticien ?

M.S-G. – Le travail de généticien est de soigner tout ce qui est lié aux maladies génétiques, le plus souvent héréditaires. Il s’agit tout d’abord d’une activité clinique qui prévoit des consultations, l’accueil et le suivi des patients. Puis, il y a une génétique biologique, c’est un travail en laboratoire qui consiste à interpréter les examens et à poser les diagnostics. Enfin, l’onco-génétique, c’est-à-dire le suivi de la génétique des cancers, est un aspect à part entière.

Quand pratique t-on des tests génétiques?

M.S-G. – Contrairement à la justice qui pratique des tests ADN pour arriver à retrouver des criminels, nos tests génétiques doivent toujours être effectués dans l’intérêt du patient. Nous les réalisons donc soit pour faire un diagnostic d’une maladie génétique quand le patient présente des symptômes, soit dans le cas où le patient est en bonne santé, mais est considéré comme étant à risque, par exemple, à cause des antécédents dans sa famille. Dans cette dernière situation, on peut faire un test génétique pour savoir s’il a une prédisposition ce qui va nous aider à sa prise en charge notamment pour instaurer une surveillance.

Comment fonctionnent les tests dits “récréatifs”?

M.S-G. – L’ADN est une succession de positions A-T-G-C, et sur notre ADN il y a un certain nombre de positions où on peut avoir l’une ou l’autre des lettres sans que cela ait une conséquence. C’est ce que l’on appelle des polymorphismes. Entre deux individus, on peut avoir une lettre ou une autre, il n’y a aucune importance. En revanche comme l’ADN est transmis par les parents aux enfants, le fait d’avoir telle ou telle lettre permet de remonter très loin dans ses origines. 

Les entreprises qui proposent ces tests génétiques à titre récréatif se servent de ces positions. En combinant les suites de positions, ils réussissent à faire des schémas de lettres, et on sait que tel schéma est plutôt présent dans telle population ou telle autre. 

Quelles questions se posent autour de tests ADN dits récréatifs vendus sur le marché français par des laboratoires étrangers ?

M.S-G. – Le principe de ces tests est d’appâter la curiosité des consommateurs. Qu’est-ce que mon ADN peut dire de moi? Est-ce que mes origines peuvent être retracées? Qui suis-je et d’où je viens?

Il faut néanmoins être conscient que les entreprises qui proposent ces tests obtiennent les séquences entières de notre ADN. Ils peuvent les stocker pendant des années et avec leur rachat on ne peut pas vraiment savoir ce que deviennent nos échantillons. 

Or, notre ADN étant unique, c’est une donnée à forte valeur ajoutée, une sorte d’identité qu’on peut revendre. Souvent, les tests ADN sont accompagnés par un questionnaire et ce questionnaire permet de savoir quel âge on a, est-ce qu’on est fumeur, est-ce qu’on est un homme ou une femme, et éventuellement un certain nombre de choses sur notre façon de vivre… On peut donc en tirer des conclusions, par exemple, dire que chez les fumeurs, ou chez les femmes ou les hommes, il y a plus de risques d’avoir tel ou tel type de maladie. 

Tant que ce sont des laboratoires de recherche qui possèdent ces données et qui essaient de faire avancer les connaissances sur le génome humain, c’est un moindre mal, mais si ces données deviennent accessibles aux banques ou aux compagnies d’assurance, cela peut être beaucoup moins agréable pour les consommateurs.

Il est aussi important de se rendre compte que, certes, notre ADN fait parti de nos données personnelles, mais que ça a aussi une implication plus large. Donner son ADN, c’est donner une partie de celui de ses parents, de ses frères et soeurs et celui de ses enfants ou futurs enfants.