Choisir sa fin de vie : débat à l’Assemblée Nationale

Actualités – Cette semaine, la proposition de loi sur la fin de vie portée par Olivier Falorni, député de Charente-Maritime, a agité l’Assemblée Nationale. Le texte ouvre sur le droit à une « assistance médicalisée active à mourir » pour des personnes souffrant d’une maladie incurable. Caractères retrace le débat sur la fin de vie en 4 points.

Retrouvez notre vidéo à la fin de l’article.

Choisir sa fin de vie : débat à l’Assemblée Nationale
© lespecialiste.be

1. Qu’en pensent les français ? 

En France, des lois successives ont été votées pour alléger la peine des personnes souffrant d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale. 

  • La  Loi de 1999 a permis l’accès aux soins palliatifs.
  • La loi Kouchner de 2002 consacre le droit des malades et stipule que « les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort ».
  • La première loi Leonetti de 2005, qui proscrit « L’obstination déraisonnable » du corps médical et la « prolongation artificielle de la vie ».
  • En 2016, la loi Leonetti Claeys qui clarifie l’usage de la sédation profonde et continue, jusqu’au décès, en phase terminale.

Si une personne en aide une autre à mourir, hors de ce cadre juridique, elle peut être accusée d’homicide volontaire avec préméditation. 

Selon un sondage Ifop, en novembre 2016, 80% des personnes interrogées se disaient “plutôt favorables” ou “tout à fait favorables” à l’euthanasie, c’est-à-dire le fait pour un médecin de provoquer la mort par l’administration d’une substance létale.

2. Pour ou contre à l’Assemblée

Mercredi soir, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie. Une proposition soutenue par 225 députés de tous bords, et contestée par une majorité du groupe Les Républicains.

Avec 3 000 amendements déposés à débattre avant jeudi minuit, certains députés LR ont choisi de faire obstruction à la loi pour retarder le projet. S’en est trop pour 270 députés de tous bords politiques : de Jean-Luc Mélenchon à Robin Reda en passant par Valérie Rabault, Yaël Braun-Pivet, François de Rugy, Olivier Faure ou encore Cédric Villani. Ces députés réclament un vote et un débat digne et apaisé, sur l’élargissement de la législation sur la fin de vie, dans une tribune publiée le 3 avril au JDD

3. Choisir sa fin de vie en Europe

Entre 2 000 et 4 000 personnes ont recourt à l’euthanasie clandestine en France chaque année, selon l’Institut national des données démographiques.

La France semble  en retrait face à d’autres pays européens qui autorise l’euthanasie passive, c’est à dire l’interruption du dispositif médical de maintien en vie, et la forme active par administration d’un médicament provoquant la mort. 

En 2001, les Pays-Bas sont le premier pays européen à avoir légalisé l’euthanasie active tout comme le suicide assisté, c’est à dire la personne lorsque prend elle-même la dose mortelle. Depuis 2002, la Belgique autorise l’administration d’un médicament provoquant la mort  lorsque le patient en fait la demande en pleine possession de ses moyens. La Suisse autorise en 2003 l’euthanasie active indirecte, le fait de donner des substances pour réduire la souffrance qui peuvent finalement donner la mort, et l’euthanasie passive et le suicide assisté.

Au Danemark, en Hongrie et en République tchèque, les malades incurables peuvent refuser leur traitement. En Espagne, la loi est passée. D’autres pays sont totalement réfractaires, comme la Pologne et l’Irlande où l’euthanasie est passible de sanctions pénales.

4. Un débat sans fin ? 

Personnalités politiques et publiques ont souhaité prendre part au débat.

« Jeudi, les députés auront à examiner un texte capital. Je leur adresse aujourd’hui cette lettre. Je compte sur vous qui nous représentez, pour voter cette loi qui donnera à chacun la possibilité de choisir sa #FindeVie. C’est un progrès essentiel qu’on ne doit plus empêcher. Il faut abréger les souffrances. C’est la moindre des choses. C’est humain. »

Line Renaud – Twitter, le 3 avril

Le 5 avril, Michel Houellebecq publie une tribune dans le Figaro dans laquelle il s’oppose à l’euthanasie avec trois “propositions”. Pour lui, la légalisation de l’euthanasie serait un péril pour l’Occident.

« Sur le plan anthropologique, c’est une question de vie ou de mort (…) lorsqu’un pays – une société, une civilisation – en vient à légaliser l’euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect. Il devient dès lors non seulement légitime, mais souhaitable, de le détruire afin qu’autre chose – un autre pays, une autre société, une autre civilisation – ait une chance d’advenir. »

Michel Houellebecq

Le 7 avril sur LCI, Jean-Luc Romero appellait Emmanuel Macron à s’emparer rapidement du sujet pour légiférer.

« Oui, j’en appelle directement au Président de la République. L’association (ADMD) a lancé une pétition en ligne pour qu’Emmanuel Macron mette la loi à l’ordre du Parlement et que nous ayons enfin une loi. Dans cette période où nous mourrons dans des conditions difficiles, nous avons besoin d’une loi qui pose des conditions claires et qui permette à chacun de partir comme il le souhaite. Il y a aujourd’hui une majorité prête à voter en ce sens, le moment est venu. N’attendons plus. Le Covid-19 nous oblige à nous poser la question de la fin de vie. »

Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité

D’autres personnes moins connues ont souhaité témoigner de leur expérience de manière publique, à l’instar de Michel Philippin, qui a accompagné sa femme Mireille dans son euthanasie en suisse en 2014. Pour lui, c’était une évidence. 

Jeudi, l’assemblée a finalement rejeté le projet de loi, sans grande surprise, puisque les 3000 amendements déposés par l’opposition ne permettait pas de tous les traités dans un temps imparti. Nul doute que le débat sur le choix de la fin de vie refera surface dans les prochains mois ou prochaines années. 

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