Écriture inclusive : la langue française en danger ?

Caractère à la Une – L’écriture inclusive sera dorénavant bannie des écoles françaises. Jeudi dernier, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a totalement exclu son utilisation à l’école. Par une circulaire, il a estimé que sa « complexité » et son « instabilité » sont des « obstacles à l’acquisition de la langue, comme de la lecture ». Alors que le débat fait rage depuis l’arrivée de l’écriture inclusive en 2017 dans certains manuels scolaires, la question ne se pose plus, en tout cas en ce qui concerne l’école. Mais qu’en est-il de son utilisation dans la langue française en général ? 

Retrouvez notre vidéo à la fin de l’article.

Écriture inclusive
© Maxppp 

L’écriture inclusive, qu’est-ce que c’est ?

L’écriture inclusive est née de la volonté de faire évoluer les mentalités en ce qui concerne l’égalité homme/femme. Car en français, on le sait tous, le masculin l’emporte sur le féminin. Une règle inscrite dans l’histoire de notre langue, dans son patrimoine, mais qui peut paraître sexiste pour certains. C’est donc précisément ce point que l’écriture inclusive souhaite réinventer, en mettant le féminin à égalité avec le masculin.

Elle se définit en 3 règles : 

  • La première, c’est de mentionner par ordre alphabétique les termes des deux genres. Par exemple, au lieu de dire « Ils vont au cinéma », on dirait plutôt « Elles et ils vont au cinéma ». 
  • La deuxième règle, c’est le point médian. Ce petit point sert à ajouter les formes féminines et plurielles aux mots masculins. C’est justement cette règle qui est la plus débattue, car la lecture peut très vite être compliquée, notamment à l’oral. 
  • La troisième et dernière règle vise à mettre en avant les deux genres dans des expressions qui utilisent une majuscule de prestige. Au lieu de dire « Les droits de l’Homme », on dirait plutôt « les droits humains ». 

En écriture inclusive, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen se traduirait donc par :
Déclaration des droits humains et du·de la citoyen·ne”.

Une polémique ancienne ?

Le fait de vouloir féminiser davantage notre belle langue française n’est pas nouveau. Remontons 40 ans en arrière. En 1984, alors que les mouvements féministes gagnent du terrain, une commission de féminisation des noms de métier et de fonction est mise en place. Présidée par Benoite Groult, journaliste, romancière et militante féministe, elle aboutit à une circulaire deux ans plus tard. Mais, en plus ne pas être appliquée, elle s’attire les foudres de l’Académie Française, qui à cette époque ne supporte pas que l’on touche à la langue de Molière. Par la suite, il faudra 3 autres circulaires, en 1998, 2002 puis 2017, pour que la féminisation des noms de métiers fasse l’objet d’un débat et non plus d’une polémique.

Que dit la loi ?

En 2017, Édouard Philippe, alors Premier ministre, édite une circulaire interdisant l’usage de l’écriture inclusive au Journal officiel. Et même s’il encourage l’administratif à employer la féminisation des métiers et des fonctions, il y mentionne que le masculin est une forme neutre, convenant aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Dans cette circulaire, il demande également aux services de l’Etat de ne pas utiliser le point médian, illisible pour certains. Mais ce fameux point médian est toujours utilisé dans des administrations locales ou des universités. Vous l’aurez compris, le débat autour de l’écriture inclusive est surtout politique. 

Un débat politique ?

D’un côté, on dénonce une écriture rendant la lecture impossible, et de l’autre, on prône cette écriture censée faire évoluer l’égalité homme/femme. Depuis juillet 2020, on a pu voir trois propositions de loi se dessiner, visant à interdire l’emploi de l’écriture inclusive dans les administrations.

  • La première est à l’initiative de 9 députés du Rassemblement national, notamment Sébastien Chenu. Leur objectif est de sanctionner des maires Europe Ecologie Les Verts, qui utilisent l’écriture inclusive dans leur communication.
  • La deuxième est portée par François Jolivet, député LREM. Elle concerne l’interdiction de l’écriture inclusive par « toutes les personnes morales ayant une mission de service public ». Selon lui, elle rend illisible la langue française et complexifie son apprentissage, notamment pour les personnes dyslexiques.
  • Plus récemment, en mars 2021, une nouvelle proposition est déposée par le député LR Guy Tessier. Il propose de pénaliser l’usage du point médian avec des amendes allant de 3 750 à 5 000 euros. 

Alors que ces propositions n’ont pour l’instant pas abouties, les élus de gauche et les écologistes eux, continuent d’employer ce langage inclusif, aussi bien dans leurs discours que dans leurs écrits.