Féminicides : des drames qui se répètent

Actualités Alors que de nouveaux féminicides sont à déplorer en France, le combat contre les violences conjugales ne semble pas être en mesure d’arrêter ce fléau. D’après les dernières enquêtes, entre 2018 et 2020, 357 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-conjoint. Et à l’heure où je vous parle, on recense déjà 43 féminicides cette année. 

Quels sont les dysfonctionnements dans le système judiciaire français en matière de protection des victimes, et quelles sont les solutions que le gouvernement peut apporter, on vous explique tout. 

Retrouvez notre vidéo à la fin de l’article.

féminicide
© DOMINIQUE FAGET / AFP

43ème féminicide en 2021

C’est le 43ème féminicide cette année. Dans la nuit du 22 mai dernier, en Moselle, Stéphanie, 22 ans, se fait poignarder d’une dizaine de coups de couteau, en pleine rue, par son compagnon. 

L’homme de 23 ans, de nationalité serbe, a déjà été condamné à plusieurs reprises notamment pour des délits routiers. Interpellé lundi dernier, il est actuellement mis en examen et incarcéré pour “homicide par conjoint”.

Des dysfonctionnements dans le système ? 

Comment est-il possible qu’une femme qui ait porté plainte pour violences conjugales connaisse un destin aussi tragique ? Quelles mesures auraient pu être prises pour éviter un tel drame ? 

Car Stéphanie avait porté plainte. La justice était au courant de ce qu’il se passait dans le foyer. Mardi dernier, le procureur de la République de Metz a reconnu qu’elle avait déposé une main courante contre son conjoint en janvier 2020, suivie d’une plainte quelques mois plus tard. Mais il a rejeté tout « dysfonctionnement des services judiciaires », qui aurait pu conduire à la mort de la jeune femme. 

Et si le procureur assure qu’aucun élément de violence n’a été rapporté à la justice, il semblerait que, dans le quartier, beaucoup de personnes étaient au courant des problèmes au sein du couple. 

Dans la journée de mercredi, les ministres Gérald Darmanin, Eric Dupond-Moretti et Marlène Schiappa ont annoncé la mise en place d’une mission d’inspection concernant ce féminicide. L’objectif est de “faire la lumière” sur cette affaire, c’est-à-dire déterminer si oui ou non il y a eu des dysfonctionnements dans le traitement de la plainte de la victime. Et par conséquent, savoir si ce drame aurait pu être évité… 

La lutte en France 

En 1975, les langues se délient et pour la première fois à la télévision, le magazine télévisé “aujourd’hui madame” consacre une émission aux femmes battues.

En 1992, une loi est mise en place pour statuer sur la violence au sein d’un couple. D’après ce texte, la qualité de conjoint ou de concubin constitue une circonstance aggravante d’“atteinte à l’intégrité de la personne”.

En 2009, le dispositif Téléphone grave danger est inauguré. Il s’agit d’un téléphone équipé d’une touche alertant automatiquement un service d’assistance. Ce système comptait près de 1 200 bénéficiaires en 2020.

Les féminicides sont recensés depuis 2006. En 2007, on en comptait 179, contre 166 en 2012 et 146 en 2019. On remarque une légère baisse, mais d’après Eric Dupond Moretti, les résultats sont encore trop modestes. Cette année, le nombre de féminicides ne cesse de croître. Une situation que le gouvernement souhaite améliorer, mais comment ?

Les solutions concrètes 

Depuis 2019, de nouvelles mesures plus concrètes ont vu le jour pour protéger les femmes victimes de violences. Un numéro vert, le 3919, a été mis en place pour aider les victimes à n’importe quel moment. Les appels sont passés de 150 à 600 par jour en l’espace de quelques mois.

7 700 places d’hébergement d’urgence pour les victimes ont été promises par le ministre Jean Castex. Un effort insuffisant pour Françoise Brié, la présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femmes, qui estime que 10 000 places sont nécessaires.

Des bracelets anti-rapprochement ont été mis en place en décembre 2020. Ces dispositifs électroniques permettent de géolocaliser les conjoints ou ex-conjoints violents. Ce dispositif est basé sur le modèle espagnol, généralisé depuis 2009.

L’Espagne est un modèle en Europe pour lutter contre le fléau des féminicides : tribunaux spécialisés, système informatique de suivi et de protection, ou encore agents protecteurs. Une politique efficace : là-bas, 47 femmes sont mortes des mains de leur conjoint ou de leur ex en 2018. 

La France pourrait-elle s’inspirer de certaines mesures adoptées par l’Espagne afin de lutter efficacement contre les violences faites aux femmes ?