LIBAN : un chaos économique, la détresse d’une population

International – Explosion de la pauvreté, inflation, immobilisme politique, instabilité, ce sont ces termes qui qualifient la situation dramatique au Liban. Le lundi 22 mars, Jean-Yves le Drian affirme face à ses homologues européens “le Liban est dans la dérive, ce pays est en train de dévisser”. Au même moment, les dirigeants libanais, Michel Aoun et Saad Hariri, admettent leur nouvel échec à s’accorder sur un gouvernement.

Sur place, quelle est la réalité et le quotidien des libanais ? Pourront-ils sortir de cette crise économique et politique? Cette semaine, Caractères vous parle du pays du Cèdre.

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Liban
© ANWARAMRO / AFP

Explosion de la pauvreté, inflation, immobilisme politique, instabilité, ce sont ces termes qui qualifient la situation dramatique au Liban.

Le lundi 22 mars, Jean-Yves le Drian affirme face à ses homologues européens : 

« Le Liban est dans la dérive, ce pays est en train de dévisser. » 

Au même moment, les dirigeants libanais, Michel Aoun et Saad Hariri, admettent leur nouvel échec à s’accorder sur un gouvernement. Sur place, quelle est la réalité et le quotidien des libanais ? Pendant plusieurs jours, à Beyrouth, au sud à Saïda, ou dans les plaines du nord à Bekaa, les villes se sont enflammées. Comme un ultime moyen de contestation, les manifestants bloquent les artères principales des villes. 

Leur colère est alimentée par des conditions économiques déplorables : la livre libanaise est au plus bas et atteint des records historiques. Le 16 mars la valeur du dollar a dépassé les 15 000 livres libanaises et les manifestations repartent de plus belle. Comment le Pays du Cèdre en est-il arrivé là ? 

2019-2021: retour sur deux années noires

A l’automne 2019, la gronde des libanais se déversait dans les rues. Avec un contexte économique déjà fragile, ils accusent le gouvernement d’abandon, d’incompétence et d’être corrompu. L’ampleur du mouvement est telle que le Premier ministre Hariri quitte ses fonctions. 

C’est dans cette atmosphère électrique que Beyrouth connaît une nouvelle tragédie. Le 4 août 2020, 2 750 tonnes de nitrates d’ammonium explosent. Ce sel blanc, utilisé comme engrais ou explosifs, stagnait depuis 6 ans dans le port de la capitale. La double explosion laisse tout un peuple en deuil, un port inopérant et un trou financier de 10 milliards de dollars. 

La crise sanitaire surplombe tous les maux du pays. Le virus de la COVID-19 a poussé le système de santé à bout de souffle avec des hôpitaux saturés. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, au début de l’année 2021 le Liban frisait la catastrophe sanitaire avec une épidémie incontrôlée au niveau quatre.

Instabilité et immobilisme, le leitmotiv du gouvernement ?

A chacune de ces nouvelles crises, qu’elles soient sanitaires ou politiques, la déception des habitants envers la classe dirigeante se renforce. Pourquoi la République libanaise est-elle toujours dans l’impasse ? Une partie de la réponse se trouve dans le système politique conçu sur mesure pour un pays multiconfessionnel. La République repose sur le modèle d’une démocratie parlementaire au sein de laquelle trois postes clés représentent une confession. Le président de la république est d’obédience maronite, le premier ministre sera sunnite et le président de la chambre des députés chiite. 

Parmi les trois rôles à jouer, le poste de Premier ministre est celui qui a causé le plus d’agitation et d’instabilité. Peu d’hommes politiques ont su le conserver

Saad Hariri : 18 décembre 2016 – 29 octobre 2019. 
Après trois années mouvementées, Saad Hariri démissionne en 2019. Il part sous la pression des manifestations et des accusations de corruption.

Hassane Diab : 21 janvier 2020 – 10 août 2020.
Hassane Diab quitte lui aussi ses fonctions sous la pression de la rue, 6 jours après les explosions du port de Beyrouth. 

Mustafa Adib : 31 août 2020 – 26 septembre 2020. 
Pour le remplacer, Mustapha Adib, ancien ambassadeur est parachuté au poste. A peine un mois, et il renonce lui aussi à former un gouvernement.

Saad Hariri : 22 octobre 2020. 
Saad Hariri fait un retour controversé en octobre 2020. Depuis, l’actuel Premier ministre n’a toujours pas réussi à créer un nouveau gouvernement. 

Or, établir un gouvernement, c’est la première étape pour mettre en place des réformes économiques et sociales et ainsi entrevoir une sortie de crise. La communauté internationale avec la France en tête insufflent ces réformes. Si les autorités libanaises ne parviennent pas à les instaurer, les bailleurs de fonds internationaux refusent de débloquer de nouvelles aides financières en direction du Liban.

Pauvreté : quand la population paie le prix 

Chaos pour les importations, hyperinflation avec une perte de valeur de 90% pour la livre libanaise, récession économique sans précédent ou encore effondrement financier, tous ces termes défilent dans nos journaux pour décrire la situation au Liban. Mais derrière ce jargon économique, les conséquences pour la population sont réelles et dramatiques.

  • Sans aide pour se fournir du carburant, sans électricité, les foyers pourraient être plongés dans le noir d’ici fin mars.
  • La pauvreté est une gangrène qui se répand à grande vitesse. En 2019, elle touchait 28 % de la population et seulement deux plus tard, un habitant sur deux vit avec moins de 3,84 dollars par jour, c’est-à-dire sous le seuil de pauvreté selon les critères de l’ONU. 
  • Avec ces moyens, se nourrir est devenu un véritable défi, d’autant plus que les produits alimentaires ont quintuplé en un an. Acheter un simple paquet de pâtes peut coûter jusqu’à 10 euros ou une brique de lait peut valoir 23 euros

Au moment où les témoignages meurtris se multiplient, Jean-Yves le Drian interpelle les responsables libanais en les accusant de « non-assistance à pays en danger ». Au Liban, le Président Michel Aoun met le Premier ministre Saad Hariri au pied du mur : il doit former un gouvernement urgemment ou partir.