QATAR 2022 : une défaite pour les droits de l’homme ?

International – Selon le journal The Guardian, 6 500 travailleurs migrants seraient décédés depuis le coup d’envoi des chantiers pour le mondial de football au Qatar en 2022. Cependant, la Fédération Française de Football a confirmé : l’équipe de France ira au Qatar si elle se qualifie. Entre sa diplomatie sportive et les droits de l’homme, quel jeu joue le Qatar ? On décrypte tout dans le dernier Focus International de Caractères.

Retrouvez notre vidéo à la fin de l’article.

Des footballeurs allemands ont mené une action coup de poing afin de dénoncer la situation critique au Qatar.
Des footballeurs allemands ont mené une action coup de poing afin de dénoncer la situation critique au Qatar.
© Die Mannschaft / Facebook

Doha, la capitale du Qatar, se prépare à recevoir le prochain mondial de football en 2022. Mais les dernières révélations du journal The Guardian sur les conditions des travailleurs migrants a largement terni son image. Diplomatie sportive, enjeux de pouvoir et droits de l’homme, Caractères vous explique tout dans le prochain Focus International.

Le Qatar, ce pays grand comme l’Ile-de-France, vit sous une chaleur assommante. Mais ni sa démesure, ni ses ambitions ne se laissent abattre par ce climat. Détaché du protectorat britannique depuis 1971, le pays repose entre les mains d’une dynastie, celle des Al-Thani.

Pour étendre son influence au-delà du désert d’Arabie, la péninsule repose sur ses trésors gaziers et pétroliers. Le Qatar est le 2ème producteur d’hydrocarbure du Golfe, les énergies fossiles représentent 86 % de ses exportations et deux tiers de ses recettes budgétaires.

La pétromonarchie a aussi ses zones d’ombres : Amnesty International alerte sur le traitement réservé aux femmes et aux travailleurs migrants, des groupes islamistes radicaux seraient soutenus et les qataris auraient la pire empreinte écologique selon le Global Footprint Network.

Quand the Guardian révèle que plus de 6 500 travailleurs migrants seraient décédés pour les préparatifs du mondial de football, des équipes appellent à boycotter la compétition. Pour le club norvégien de Tromso, il n’est plus possible de « s’assoir et de regarder des gens mourir au nom du football ». La FIFA, elle, continue de se ranger derrière le mythe d’un sport apolitique.

Sous les projecteurs, le sport peut-il pousser un pays à se transformer ou est-ce le Qatar qui a changé les règles du jeu ?

2010 : LA PERCÉE D’UNE DIPLOMATIE SPORTIVE 

L’émir Tamim ben Hamad Al Thani cherche à se démarquer de ses voisins et à redorer son image à l’international. Pour ça, il mise tout sur le sport.

  • En 2010, la FIFA désigne le Qatar comme l’organisateur du mondial en 2022.
  • Un an après, le PSG devient la propriété exclusive du Qatar Sports Investments.
  • En 2012, Al-Jazeera, le CNN qatari, développe une filiale dédiée à diffusions des matchs, c’est la chaîne Bein sports.

Depuis 2010, les compétitions s’enchaînent à Doha et chaque événement sportif est une occasion pour construire de nouvelles infrastructures. Prouesses technologiques pour certains, aberrations écologiques pour d’autres, avec un budget de 100 milliards d’euros, 22 hôtels, 4 lignes de métro et 9 stades doivent pousser du désert d’ici 2022.  

DROITS DE L’HOMME : REMPART À LA NOTORIÉTÉ INTERNATIONALE ?

Si le Qatar a bien les moyens matériels, le manque de moyens humains lui fait défaut. Avec à peine trois millions d’habitants, des agences qataris compensent et recrutent 90% de la main-d’œuvre hors des frontières.  

Des travailleurs principalement venus d’Asie du Sud arrivent avec la promesse d’un salaire. Sur place, les conditions de travail seraient déplorables et le régime de Kafala priverait de libertés. Ce régime, c’est un système de parrainage qui confère à l’employeur le pouvoir de décider si le travailleur peut changer d’entreprise ou s’il peut quitter le Qatar. Selon Human Rights Watch ce système favorise les risques d’exploitation et de maltraitances. 

Depuis le début des chantiers pour la Coupe du monde, chaque jour, 12 travailleurs migrants sont morts. Si avec ces chiffres, il n’est plus possible de fermer les yeux, à dix-neuf mois du coup d’envoi, la FIFA défend coûte que coûte l’idée du sport vertueux, celui qui incite au changement. Les projecteurs et radars sont rivés sur le Qatar et des évolutions quant au droit des travailleurs s’esquissent. 

“La fréquence des accidents sur les chantiers de la Coupe du monde [de la FIFA] a été faible par rapport à d’autres grands projets de construction dans le monde”.

FIFA, le 27 février 2021

Qui peut encore changer la donne ? Les entreprises de construction ? Les ligues sportives ? Les responsables politiques qataris ?