Que deviennent nos déchets recyclables ? Les secrets des poubelles jaunes.

Micrométrage – Chaque jour, les Français jettent 25 millions de bouteilles en plastique à la poubelle. Pour freiner l’impact environnemental de notre consommation, le tri des déchets est devenu progressivement un geste du quotidien. Pour ces bouteilles, le passage dans une poubelle jaune n’est que le début d’un long périple. Savez-vous quelles sont les prochaines étapes ? Seront-elles recyclées puis reposées sur les étales des supermarchés ? 

À bien des égards, le processus de recyclage est plus complexe et opaque qu’il n’y paraît. Pour comprendre les limites et les solutions, Caractères a rencontré Alice Elfassi, responsable juridique chez Zero Waste France et Colombe Brossel, adjointe à la maire de Paris en charge du recyclage et de la réduction des déchets.

Retrouvez notre vidéo à la fin de l’article.

Pour le bien du reportage, nous appellerons ce petit déchet « Gilbert ». Gilbert, il a des chances de terminer là ou là. Mais, au fond, personne ne veut être responsable de ce destin. 

Alors pour offrir une seconde vie à Gilbert, on trie nos déchets. Vous vous êtes certainement déjà retrouvé un peu seul, dans votre local à poubelles, à le regarder droit dans les yeux. Gilbert, qui es- tu ? Es-tu du plastique ? Peux-tu être recyclée ? Bingo ! C’est la poubelle jaune pour Gilbert, il sera recyclé ! 

Le couvercle est fermé, votre histoire s’arrête là. Mais savez-vous ce qui l’attend ? Le tri sélectif offre-t-il réellement une seconde vie à nos bouteilles comme il le promet ? 

En moyenne, un français jette quasiment 100 bouteilles d’eau par an. Une fois dans la poubelle, ce sont les collectivités territoriales qui assurent la collecte des déchets. Des entreprises s’occupent ensuite de leur traitement et de leur transformation en de nouveaux produits. 

Un peu partout en France, vous avez certainement déjà croisé des affiches de sensibilisation.

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Les pouvoirs publics n’hésitent pas à marteler le message : il faut trier ses déchets pour recycler. Dans une ville comme Paris, le message est-il passé ? 

Colombe Brossel, adjointe à la maire de Paris en charge de la propreté de l’espace public, du tri et de la réduction des déchets, du recyclage et du réemploi, nous répond. 

CB: On a des poubelles jaunes de plus en plus remplis. Alors la bonne nouvelle, c’est parce que les parisiens trient mieux. Et les parisiens trient mieux parce qu’on a simplifié les consignes de tri.

Trier, c’est bien, mais ce système mène-t-il automatiquement au recyclage des déchets ? Saviez-vous qu’uniquement 26% des emballages plastiques sont recyclés ? Selon Citeo, le reste est brûlé ou mis en décharge. 

Pour y voir plus clair dans ces chiffres, nous nous sommes rendus à la Maison du zéro déchet, rencontrer Alice Elfassi, responsable juridique pour Zero Waste France. 

AE: Tous les emballages, tous les emballages plastiques notamment peuvent être mis dans les poubelles jaunes, après pas se tromper là-dessus: nous en tant que consommateurs on peut les mettre dans la poubelle jaune par contre ça ne veut pas du tout dire que tout ce qu’on met dans cette poubelle jaune sera recyclée.

Il y a une certaine opacité quant au nombre de déchets qui sont en décharge ou en incinérateur et qui ne sont pas recyclés. Le recyclage occidental en réalité est dépendant d’autres pays pour fonctionner puisqu’on envoie un certain nombre de nos déchets notamment en Asie. On sait qu’il y a aussi beaucoup d’exports qui se font un peu sous le manteau et qui ne sont pas déclarés. 

L’Union Européenne a exporté plus de 1,5 million de tonnes de déchets hors de l’Union européenne et il ne s’agissait ici pas d’ordures mais bien de matières premières recyclables. 

Les containers de plastiques européens se sont déversés sur les rives des pays d’Asie. La problématique du traitement de nos déchets plastiques est délocalisée mais aucune solution durable n’est trouvée. 

AE: Les bouteilles en plastique du coup c’est du PET classique. Le plastique qui est le plus facilement recyclable mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il est recyclé à 100% et surtout pas à l’infini.

Si le matériau est techniquement recyclable en théorie, ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas d’impact environnemental puisqu’il y a énormément d’énergie et d’eau qui sont nécessaires pour ce processus de recyclage et en plus la matière in fine va être largement perdue. Il y a aussi des plastiques qui ne sont opérationnellement pas recyclables en France parce que pas assez rentables. 

Pas assez rentables ? Produire une bouteille en plastique recyclé revient plus cher que de produire une bouteille à partir de pétrole. On l’aura compris, hors de France ou dans nos rues, en plastique recyclé ou non, Gilbert devient encombrant. 

Avec le hashtag “Saccage Paris”, les rues de la capitale sont raillées : les déchets s’amassent. La Mairie de Paris a-t-elle pris des décisions à la hauteur du défi ? 

CB: On a fixé comme objectif la sortie du plastique à usage unique à l’échéance de 2024. On va utiliser les Jeux olympiques et les paralympiques comme un accélérateur pour avoir des objectifs ambitieux. On travaille à l’émergence, à la structuration d’une filière de consigne parce que, ce qui est sûr, c’est qu’en 2024 on devra sortir du plastique à usage unique.

Gilbert, pour limiter son impact environnemental, il devrait être fait de verre et être consigné. La Convention Citoyenne du Climat, avec ses 150 propositions, avait défendu cette solution. La loi Climat-Résilience va-t-elle dans ce sens ?

AE: Malheureusement cette loi ne s’est pas du tout saisie de cette problématique. Puisqu’elle se borne à dire que la consigne pour les emballages en verre pourra être généralisée à partir de 2025 – ce qui veut tout et rien dire – puisqu’en fait, si cette loi n’existait pas ça serait exactement pareil. 

CB: La loi est une forme de pas en avant et c’est important. Est-ce qu’elle est pleinement suffisante ? Je ne crois pas. Si on attendait uniquement les dates et les temporalités fixés dans le cadre du projet de loi et de ceux qui ont été votés auparavant, honnêtement on ne serait pas à la hauteur des enjeux. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels les ambitions sont certainement fortes, et fortement affichées, mais les outils ne sont pas présents pour y répondre. 

Nous avons suivi le parcours de Gilbert la bouteille d’eau, mais pour Muriel le gobelet, Fabrice le tube shampoing ou Patricia la brosse à dents, l’histoire est la même. 

Pour les plastiques, le tri sélectif n’est pas synonyme de recyclage et quand il est possible, les techniques actuelles restent énergivores ou polluantes. Le meilleur moyen de faire disparaître nos déchets, et pas seulement notre champ de vision, reste la réduction de la production et de la consommation