Cannabis : une légalisation enfin possible ?

Actualités – Pourtant débattue depuis des dizaines d’années, la légalisation du cannabis reste un sujet sensible en France. Mardi, à l’Assemblée Nationale, le député François-Michel Lambert a suscité de vives indignations lorsqu’il a brandit un joint en pleine séance. Selon lui, « d’autres pays ont fait le choix d’affronter le problème plutôt que la politique de l’autruche ». Alors qu’un rapport parlementaire prônant la légalisation a été rendu ce mercredi, le cannabis est plus que jamais au cœur des débats.

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Cannabis
© JUAN MABROMATA / AFP

1. 50 ans de répression

Le débat n’est pourtant pas nouveau. En 1970, une première loi est mise en place pour interdire l’usage de stupéfiants. Vue comme l’une des lois les plus répressives d’Europe, elle prévoit jusqu’à un an de prison et 3 750€ d’amende. Le problème, c’est qu’elle ne fait aucune distinction entre les types de stupéfiants. Alors, 20 ans plus tard, la législation change avec un arrêté qui fixe une liste des substances classées comme stupéfiants. 

Puis en 97, un premier débat est mis en place autour de la dépénalisation des drogues douces, notamment du cannabis. Un projet porté par les ministres Dominique Voynet et Élisabeth Guigou

« Je n’encourage pas à l’usage de drogues en général, je souhaite que la France mène ce débat comme d’autres pays Européens l’ont menés. »
Dominique Voynet, INA

Mais déjà à cette époque, il était difficile de s’exprimer à ce sujet sans s’attirer les foudres de certains. 

« Ces deux ministres, finalement, véhiculaient une attitude laxiste à l’égard de la drogue. Et je me demande si après avoir connu la gauche caviar, nous ne sommes pas en train de voir arriver la gauche pétard. »
Jean-Louis Debré, INA

En 2006, Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur, décide de durcir le ton et de prôner la tolérance zéro. 

« La dépénalisation n’est pas une option responsable. Et parler de drogue douce, c’est une stupidité. »
Nicolas Sarkozy, Assemblée Nationale

2. Le contexte actuel

L’OFDT dénombre près de 5 millions de consommateurs annuels de cannabis en France, dont 1,4 million de consommateurs réguliers. Emmanuel Macron le sait très bien, et dès son arrivée au pouvoir, il se positionne. En 2017, il annonce vouloir contraventionnaliser l’usage du cannabis, et contrôler davantage le trafic.  

« Je propose de simplifier cette procédure pour qu’il y ait une action immédiate des policiers et la possibilité de donner une amende »
Emmanuel Macron, Brut

Trois ans plus tard, après des tests dans plusieurs villes, Jean Castex annonce une amende forfaitaire de 200€ pour toute consommation de produits stupéfiants, pour une détention de moins de 10 grammes de cocaïne et de 100 grammes de cannabis. Au-delà, des poursuites judiciaires seront engagées.

« La forfaitisation des délits de stupéfiants, actuellement en cours d’expérimentation sera généralisé dès la rentrée. »
Jean Castex, Le Parisien

Mais, presque 1 an après cette mesure censée décourager les fumeurs de cannabis, il semblerait qu’il n’y ait pas d’évolution. Selon Frédéric Lagache, délégué du syndicat Alliance Police,  il y aurait “toujours autant de consommateurs sur les points de deal“. 

3. Les pour, les contre 

Mercredi, alors en plein débat sur le sujet à l’Assemblée nationale, le député François-Michel Lambert a sorti un joint et l’a brandi devant tout le monde. Une démarche nécessaire pour certains, mais complètement choquante pour d’autres. 

Car du côté des « pour », on estime que le marché du cannabis, c’est-à-dire sa production et sa commercialisation, pourrait être largement bénéfique à la France. Selon un rapport du Conseil d’analyse économique, il pourrait rapporter plus de 2 milliards d’euros par an. Une solution économique donc, mais pas que. Certains considèrent que l’alcool, ou même le tabac, peuvent être bien plus dangereux que le cannabis. 

« L’effet du cannabis sur la santé physique ne peut pas tuer comme on peut le voir avec l’alcool, ça c’est une réalité. »
Amine Benyamina, addictologue, Le Quotidien

Du côté des contres, on dénonce une banalisation d’une drogue qui peut présenter des risques graves. Mais on a également peur de voir des jeunes dealers se mettre à vendre davantage de drogues dures, type cocaïne ou héroïne. 

« Le trafic va faire sa mutation vers des drogues beaucoup plus importantes, beaucoup plus dures, et qui génèrent un trafic dotant plus violent. »
Stanislas Gaudon,
Secrétaire général adjoint du syndicat Alliance Police Nationale, SENAT

4. Quel avenir ? 

La légalisation, vous l’aurez compris, n’est pas pour tout de suite. Dans un entretien au Figaro, Emmanuel Macron a totalement exclu cette possibilité pour le moment. Il a confié que lorsqu’un consommateur « se roule un joint dans son salon », il « alimente la plus importante des sources d’insécurité ». Mais le Président a exprimé sa volonté de mettre en place un grand débat national portant sur la consommation des drogues et leurs effets. Une idée également évoquée dans le rapport parlementaire.